Détails 1
Atelier du 18 octobre 2011
1/
Décrire le détail comme un très vieux souvenir
Nul ne sait à
quand remonte le début du processus. Certains disent qu’au commencement étaient
les racines, d’autres assurent que les feuilles apparurent les premières.
Huit feuilles d’un bleu presque gris, ouvertes vers
la lumière, avides de grandir.
Huit feuilles veloutées au sommet d’une tige
fièrement érigée.
Un miracle de vie, une soif ardente d’aller vers le
ciel ; une brindille exsangue arrachée d’une plante, une branchette perdue
entre ciel et terre qui refusait de mourir, s’obstinait à grandir jusqu’à jeter
des racines dans l’air comme d’autres des bouteilles à la mer. Un appel vibrant
et muet qui a su émouvoir le Dieu des Plantes Bleues jusqu’à le conduire à
inspirer la main d’un complaisant humain et la guider à repiquer la tige dans
un accueillant terreau où elle s’est enracinée.
2/ Point
de vue en “je”
Je l’ai
reconnu. Il est resté quelques minutes à m’observer et j’étais fière. je crois
qu’il m’a trouvée belle. Je lui dois tant…
J’étais à bout de forces, ma tige avait donné tout
son suc pour que se développent des racines. Je luttais depuis une éternité, je
cherchais le sol pour enfin pouvoir me nourrir. Mes efforts restaient vains. Je
savais la direction mais pas la distance et l’espoir m’échappait avec mes
dernières ressources.
J’ai lâché prise et accepté la mort, m’en suis
remise au Sort, à la volonté de la Grande Mère. Ils m’avaient abandonnée depuis
si longtemps, sans eau, sans soins, sans une pensée aimante. Ils m’avaient
arrachée sans même s’en rendre compte, imbus de leur hauteur, de leur capacité
à bouger.
Comment peut-on vivre dans une telle inconscience
de ce qui nous entoure ?
Bien sûr, d’autres ont eu leur faveurs. Choyées,
abreuvées, objets de toutes les attentions mais je sais quel destin ils leurs
réservaient, arrachées, séchées, consumées et transformées en fumée dans un
infernal brasier.
J’ai résisté,
prié, voulu la mort, voulu la vie et par un étrange destin me vois aujourd’hui
à plonger mes racines dans le riche terreau prévu pour ces pauvres victimes.
La vie nous réserve de bien grandes surprises.
Celui qui m’a mise là attend de me voir grandir.
Pour le plaisir.
3/
Nouveau détail : “tu”, complice poétique du détail précédent
Tu es le prolongement de la main du Destin
Tu canalises le vie ou bien tu la détruis
Tant de fois avant moi tu as accompli ton œuvre
Que tu as épousé la main qui te domine
Aujourd’hui, d’élégants cals rouges accueillent les
doigts
Qui guident tes lames dans leur travail de coupe
Elles opèrent en paire, nettes et fatales
Étêtant, équeutant les tiges excédantes
Qu’il nous faut donc souffrir pour être pimpantes
BRIN
Un train
brinquebalant suit les méandres et le rythme langoureux du fleuve nonchalant.
Rien ne presse. Le voyage n’a pas de fin et seul
importe le chemin.
Les papillons qui s’abreuvaient s’égaient dans une
gerbe, jouant à s’effrayer au passage cahotant de l’intrus d’acier. Les
passagers les envient de voleter à leur gré alors qu’ils sont assis et cuvent
leur ennui. Venir de si loin pour voir si peu de choses, quel est donc
l’intérêt de traîner dans ces immensités ? La prochaine fois, nous choisirons
la civilisation. Oui, c’est ça, un parc d’attractions !
Le train
brinquebalant continue son train-train, entraînant ces passagers désœuvrés aux
yeux et aux bras ballants.
Le soleil joue sur le miroir du fleuve. En sautant
au travers d’un rayon de lumière, un poisson fait briller ses écailles et
envoie un reflet dans les yeux d’un passager qui chausse ses lunettes noires en
bougonnant.
Le train
brinquebalant est joyeux sur ses rails. C’est son dernier voyage, la ligne va
fermer. Il va finir ses jours sur une voie de garage.
Les brins d’herbe vont pouvoir lui chatouiller le
ventre, pousser entre ses roues, caresser les wagons. Les oiseaux vont nicher à
l’abri de ses bielles, les loirs vont banqueter au cœur de ses banquettes.
Le fleuve l’a
prophétisé, un jour prochain il gobera les voies et les digérera dans le grand
étalage de ses eaux réveillées. Les passagers seront loin, l’auront même
oublié.
Les hommes qui viendront seront comme des pionniers
alors il les guidera vers le convoi à l’arrêt. Respectant son grand âge, les
herbes et les nids, ils feront une étape sans le déranger. Pour les remercier
il peuplera leurs rêves de ses histoires de train, de papillons volages et de
poissons d’argent.
Manuel
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