Michel-e
Atelier du
15 novembre 2011 :
VOYAGES
Chacun donne
sur un petit papier : 4 destinations dans le monde
4 moyens
de transport
1
destination en France
1 prénom
masculin
1 prénom
féminin
Tirage au sort d’un prénom : MICHÈLE (je)
d’un lieu
en France Perpignan
… pour le chapitre 1 (14 phrases au maximum) avec un incipit obligatoire…
En sortant ce matin-là, son sac
se mit à battre de l’aile. Mon loup intérieur mordit rageusement mon estomac.
Le sac était comme moi, il lui manquait une aile pour pouvoir voler.
Je respirai profondément afin de desserrer l’étreinte sur mes viscères.
Quitte à être une femme, autant avoir deux ailes pour visiter le monde ou
protéger ma couvée.
Ils voulaient un garçon, un ange
qui jouerait avec une épée. Ils avaient eu une fille qui préfère les poupées.
Un jour, je partirai et ils
n’auront plus honte, plus besoin de faire bonne figure, de faire semblant de
m’aimer. En attendant, je tourne en rond dans ma vie et dans mon malheur
pendant qu’ils font la grimace en se voilant la face.
-Tu devrais fermer ton sac, maman ! La tramontane ouvre le rabat
et on risque de te voler.
- Pour ce qu’il y a dedans ! répondit ma mère, ça ne serait pas
une grande perte.
Depuis longtemps déjà j’avais
renoncé à recevoir un compliment. Je la suivis sans mot dire. Je n’avais jamais
réellement réussi à la maudire.
--- ooOoo---
Tirage
au sort d’un prénom masculin MOULOUD
de deux
moyens de transport Vélo, cheval
d’un lieu
à l’étranger SIENNE (Italie)
… pour le
chapitre 2 (14 phrases maximum) avec
un nouvel incipit obligatoire…
Le chapeau perdit la tête. La
toque verte et blanche l’avait dépassé par l’intérieur du virage sous les
rugissements des tifosi. La course faisait rage, les champions se disputaient
la victoire, prenant tous les risques, jouant leur vie et celle de leur monture
à l’occasion de ce palio effréné.
La présence de ce concurrent coiffé d’un chapeau médiéval et orné d’une
plume duveteuse avait fait jaser le public qui l’avait copieusement hué avant
le départ.
- La tradizione ! hurlaient les plus vindicatifs, Devi rispettare
la tradizione ! Stronzo ! Cornuto ! Finocchio !
Indifférent aux noms d’oiseaux qu’on lui attribuait, le cavalier
retenait sa monture prête à s’élancer. Michèle l’observait, incapable de
comprendre ce qui se jouait.
Elle avait quitté Perpignan le
mois précédent et sur son vélo était arrivée la veille à Sienne, sans avoir
jamais entendu parler de la cavalcade rituelle qui s’y déroule tous les ans.
Ébahie, elle découvrait cette course sauvage et sans merci lors de laquelle
chaque année s’affrontent les champions de chaque quartier. Les chevaux lancés
à pleine vitesse sur les pavés de la vieille ville parcourent des tours de la
place. Les cavaliers montent à cru et chaque chute peut s’avérer fatale, tant
pour l’homme que pour l’animal.
Elle avait attaché son vélo et
après avoir hésité un instant, elle avait cédé à la tentation et s’était
faufilée pour assister au spectacle. À la fin de la course, elle revint bien
vite à sa bicyclette, prise soudain de la crainte qu’on lui eût volé ses
affaires et elle tressaillit lorsqu’en s’approchant, elle remarqua un jeune
homme affairé sur son porte-bagages.
- Lâchez ça ! hurla-t-elle, c’est à moi, allez vous-en !
- Bonjour, moi c’est Mouloud, répondit le garçon avec un grand sourire,
et vous?
--- ooOoo---
Tirage
au sort d’une destination possible, pour
une histoire d’amour ou de haine
… pour le
chapitre 3 (17 phrases maximum) avec
un nouvel incipit obligatoire…
Le vide s’épaissit. La sensation
d’une purée de marrons emplissant son crâne submergea Michèle, la laissant
incapable de réagir. Elle fut soudain certaine d’être dévalisée et une image
gigantesque des ses parents se forma à l’intérieur de son front où ils la
menaçaient, elle, petit fille apeurée : « Surveille bien tes affaires
sinon tu vas te faire voler. Si jamais ça t’arrive, ne t’avise pas de rentrer
ou bien ça va chauffer pour tes fesses ! ».
Elle était soudain redevenue la petite fille terrorisée par la
culpabilité et la peur de la punition. Elle se sentit abandonnée et seule au
monde et elle se mit à pleurer, incapable de maîtriser les irrépressibles
sanglots qui la secouaient.
- Hé ! Mademoiselle ! Ça va ? Faut pas vous mettre dans
cet état. Votre vélo était tombé et les chiens risquaient de lever la patte sur
votre sac, alors je l’ai relevé.
La voix douce et posée de Mouloud parvint à calmer un peu l’effroi de
Michèle. Elle accepta les kleenex qu’il lui tendait.
- Venez vous asseoir à cette terrasse, je vous offre un petit
remontant.
Il s’installa et appela le garçon.
- Un San Pellegrino e una grappa, prego !
Tenez, buvez ça proposa-t-il à Michèle lorsqu’ils furent servis, et
après vous me raconterez votre histoire.
La brûlure de l’alcool qu’elle but sans se méfier ramena la jeune femme
à la réalité.
- Vous ne buvez pas, vous ? Vous voulez me saouler et profiter de
moi ! affirma-t-elle, méfiante.
- Je suis simplement musulman, je viens du Yémen et il n’y a pas
d’alcool dans mon pays, répondit Mouloud patiemment.
- Bon, merci mais je dois partir, réagit Michèle en se levant
précipitamment.
- Mais…
-Lâche-moi ! j’aime pas les Arabes, hurla-t-elle en s’enfuyant.
--- ooOoo---
Épilogue de 7 phrases au maximum avec
un excipit obligatoire
Les doigts tremblants, Michèle
détacha son vélo et l’enfourcha sans se retourner.
Elle avait fui Perpignan, pédalé à en perdre haleine, erré sur les
routes de campagne, volant des fruits dans les vergers, buvant l’eau des
ruisseaux. Pendant des jours, elle avait vécu comme un petit animal sauvage,
évitant la compagnie des hommes. Elle avait perdu le décompte du temps
lorsqu’elle était arrivée à Sienne, finalement calmée et prête à se rapprocher
de ses semblables.
Par malchance, l’atmosphère survoltée de la fête avait créé un
contraste trop soudain dans sa convalescence et le gentil et prévenant Mouloud,
premier humain avec lequel elle parlait depuis son départ, n’était pas de poids
pour l’aider à retrouver l’équilibre.
Michèle se repassait en boucle la scène dans sa tête, chaque fois plus
submergée par l’insupportable honte qui la pourchassait.
Pour elle, s’en était trop et dans son esprit, le soleil se coucha, gourmand de la nuit à venir.
Alfred
Alfred
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