Chronos et Kairos 1




Chronos 

Il était une fois une femme vaillante, drôle et triste. Sa marâtre avait dirigé sa destinée quand elle était arrivée dans la maisonnée 17 ans plus tôt quand Almira brillait de mille beautés, de mille vertus teintées d’espièglerie. Sauvageonne longtemps laissée seule,  Almira ne savait pas obéir. Une inclination de l’âme que sa marâtre comptait bien corriger.

La guerre dura 9 ans, la marâtre crut à sa victoire quand aux cuisines et au ménage, elle fut restreinte. À chaque tentative de rébellion, sa portion d’aulx et d’oignons à hacher augmentait. Almira devint dure et si sa face cédait, son cœur ruminait. Isolée à l’entresol, personne n’osait l’approcher tant elle puait et grondait à la moindre peccadille.

Les années passaient, sa beauté s’alourdissait, son cerveau enchaînait noirceur sur laideur, vengeances et meurtres fignolés. Les mains calées sur sa tâche, elle gardait le rythme. Le temps n’était plus que monotonie. Enfermée dans son rôle et ses humeurs sombres, aucune tendresse ne trouvait son chemin.

Un jour, passant par là, un camelot en fourneaux, dut lui tenir compagnie durant 3 jours tandis qu’une tempête déchirait les alentours. Tout d’abord, ils s’engueulèrent, comme elle était experte, elle l’emporta et le désarçonna. Méfiant, il l’observa calé sur un tabouret puis avant de partir sous un ciel redevenu transparent et léger, il lui posa cette question: “Pour sortir, te faut-il une porte ?”.

Pendant longtemps,  Almira ignora la question du camelot mais rien n’y fit, elle se mit à tourner de plus en plus vite. Au bout de 6 mois, elle n’y tint plus et commença à remplacer ses idées ténébreuses par des envolées sur la nécessité d’une porte pour sortir. Où ses échafaudages silencieux la menèrent, l’histoire serait bien longue à raconter.


Kairos

Il était une fois une femme vaillante, drôle et triste. Quand elle nous raconte des histoires, nous ne la croyons pas, elle nous fait surtout rire avec son humeur joyeuse et ses trucs rigolos. Elle ne nous raconte une histoire qu’après nous avoir demander à chacun de poser une question idiote. Car Almira est une conteuse et elle affirme que les questions idiotes sont la clef de tout. Moi j’aime bien inventer des questions idiotes même si je ne comprends pas à quoi ça sert.

L’autre soir, elle nous a raconté des histoires de jeunesse quand sa marâtre ordonnée et maniaque lui tombait sur l’esquine au moindre écart. Un jour sa marâtre lui imposa même d’aller éplucher le double d'oignons car elle était sortie dans le jardin à l’heure de la sieste.  Almira avait contemplé la montagne d’oignons avant d'être saisie par l’esprit de la jonglerie. Elle saisit 3 oignons et commença à s’exercer. Au bout de quelques heures, elle se révéla fort douée en jonglerie à 3 oignons et elle se réjouissait de recommencer à la prochaine punition. Sa marâtre hurla et l’enferma à double tour dans sa chambre mais elle avait eu le temps de camoufler 5 oignons dans ses jupons. Quand elle put enfin retrouver la table familiale, elle proposa un petit spectacle de son cru et exécuta une jonglerie à 4 oignons gracieuse et enlevée. Sa marâtre faillit se dérider un instant et son père prit la posture de la carpe médusée. Mais la marâtre avait la dent dure, elle ne rigolait pas avec l’obéissance.

Un autre jour Almira avait préféré dormir sur la terrasse tant le temps était doux. Sa punition fut de nettoyer le grand escalier. Elle mit 3 heures à le faire briller tout en exécutant une danse du balai fort savante, elle acheva sa chorégraphie par une descente sur les fesses de la grande rampe. L’escalier brillait, la marâtre fut satisfaite.

Le soir de cette histoire, j’avais posé cette question : “Pour sortir, faut-il une porte ?”. Almira me regarda étrangement puis éclata de rire et pour la première, elle répondit à une question idiote : “Porte, fenêtre, trou de souris, gouffre béant, ailes de géants, tu n’as besoin que de toi pour sortir.
Le croirez-vous, depuis ce soir-là, je n’ai plus peur du noir.
Catherine

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