Eléonore




La fille des saisons

Je voyais bien que le ciel devenait rose de plus en plus souvent, mais je dormais dans mon hiver. Je grognais  en tirant sur mes manches. Je relevais mon col à chaque échappées dans le vent du jardin.
De mauvaise humeur dès le matin  quand mes yeux s’ouvraient sur le gris. Puis…le miracle. Il est venu, tout souriant, embaumé de senteur d’herbe fraiche. Il a agité sa main gantée de pollen juste devant la fenêtre de ma chambre. Du coup ce matin-là, pas de grise mine, pas de grognement d’ours, non, rien qu’un grand éclat de rire salvateur.
Remisé les vieilles peaux de laine à bouloches, jeté les vielles nippes trop larges et informes. Il reprenait possession de moi et je me donnais à lui. Je savais son infidélité, je savais qu’il avait parcouru le monde, fait le tour des continents pour dispenser ses amoureuses promesses à tous vents. Je savais, mais je pardonnais.
Il me donnait sa main tendre et douce, fleuri d’effluves suaves et je chavirais.
Il avait beau jeu le bougre. Et gagnait à tous les coups. Mais ce qu’il oubliait dans sa fierté de séducteur, c’est que dès le mois de juin je me jetterais plus amoureuse encore dans les bras si brûlants de son cousin : « l’été ». Et qu’avec lui je ferais mille folies
Mais peu lui importait sans doute, lui, ce qu’il aimait par-dessus tout c’était le jeu de la séduction, souffler sous des dentelles pour apercevoir de frais mollets juvéniles !
Moi, ce que j’aimais par-dessus tout c’était les parfums de fruits mûrs, les chaleurs qui libèrent les peaux moites et appellent la nudité flamboyante. Va mon joli printemps, va, fait le tour des océans, des montagnes et des pays lointains. Moi je garde l’été dans mon ventre et mes fantasmes, il m’accompagne tout le long de l’année. Il fait battre les tambours de l’Afrique dans mon sang qui cogne plus fort. Il me pénètre comme autant d’amants désirés. Je suis chair de grenade et chaque graine est fécondée.



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