Une chaussette orpheline rencontre un gant orphelin




- Chère Madame, veuillez pardonner l’outrecuidance qui me pousse à vous aborder
d’une façon aussi cavalière mais j’ai l’irrésistible impression de vous avoir déjà
rencontrée … Vous n’avez pas toujours servi à passer le café ! Me trompé-je ?

- Votre sagacité vous honore, Monsieur, et vient remuer des souvenirs enfouis. J’ai en
effet connu la gloire, aux temps heureux où ma sœur était présente. Hélas, ma
maîtresse a connu des revers de fortune et nous voici toutes deux ravalées à de bien
tristes besognes. Ainsi, moi, fille d’Écosse, me voici réduite à vivre dans l’humidité
amère et permanente d’un infâme moût noirâtre. Mais ma plus grande honte est de
voir ma chère maîtresse s’abîmer les yeux à me repriser. J’en pleurerais de rage…
Bast, assez parlé de moi ! Que fait donc une personne de votre qualité dans ce triste
endroit ?

- Je cherche mon frère, l’auriez-vous rencontré ? Un superbe gant droit, comme moi
millavois. Mon maître, un baronnet au sang chaud, l’a, un jour maudit jeté
inconsidérément aux pieds d’une fine lame qui releva le défi. Le duel fut épique, le
sang coula des deux côtés. Mon maître, bien que blessé, l’emporta, mais à quel
prix ! Il avait, sans le savoir, occis un archi-duc. Il dut changer de vie, changer de
nom et de condition. Je n’ai jamais revu mon frère.

- Nous servons les humains, nous attachons à eux, partageons leurs destins… Nous
nous sommes effectivement déjà rencontrés, Monsieur. Je suis la chaussette de
l’archi-duchesse !

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