Se frotter à Protée



C’est en quittant la rue Floquet que je me suis attelée à interroger Protée.
Le sachant dans mon thème astral et l’ayant si bien reconnu, ce fut facile de le trouver.
Par contre, avoir des réponses… Hé hé ! La belle affaire.
Le tenant fermement, je l’ai suivi dans chacune de ses transformations, entrainée que je suis par les moultes voyages en pays parallèles, invisibles et mystérieux. En passant par je ne sais combien d’animaux, salamandre, chèvre, boa, cocotte-minute brûlante, flaque d’huile d’olive, savonnette, manteau de vison, vague fouettante…tout et n’importe quoi pour qu’il m’échappe.
Ce n’est que lorsqu’il s’est vu métamorphosé en bâton de dynamite allumé et qu’il menaçait de faire sauter l’usine de pépère et nous deux avec, que, dans un cri d’effroi, il s’est écroulé enfin.
Echoué sur son île, avachis et amorphe, évanouis au milieu des phoques sous le soleil de seize heure.

Dans la nuit, épuisée, j’aurais tant aimé pouvoir m’effacer dans le décor.
J’ai d’abord essayé d’être un drap, mais, pas assez plate, me mettant en boule j’ai fait l’oreiller, mais là encore j’étais trop reconnaissable et pas assez protégée.
J’ai opté pour la tortue terrestre mais la carapace était encore trop fine. J’ai fini par péniblement me trainer vers le souterrain d’une haute montagne pour dormir enfin, bien cachée, à l’abri.
       
Le lendemain matin, dès le réveil, je saute sur Protée pour qu’il avoue enfin pourquoi fuir autant !
- Pourquoi tu fuis ? Criais-je, le plaquant au sol, les bras autour de son torse.
- Rrrrr…. Pour ne pas qu’on me demande quoi que ce soit !
Se débattant, suffoquant.
- Pourquoi tu fuis, puisque tu sais ? Pourquoi tu te transformes puisque tu sais ? Pourquoi tu ne veux rien dire puisque tu sais ?
Grognant, grimaçant, se tordant dans tous les sens et moi de l’empoigner, secouée mais tenant bon, il crie :
- Je vois trop de choses, je me perds à retrouver ce qu’ils veulent savoir exactement !

Exaspéré qu’il est et harassé de ne savoir comment faire autrement, de s’y éreinté chaque fois, d’arrêter les métamorphoses juste avant l’agonie, depuis la nuit des temps, pour l’éternité…
- M’enfin tu es un dieu ou demi dieu et fils de dieu, tu as droit à une bénédiction ! Hurlais-je
Il s’effondre et je m’affale.

Le regard vague, mes yeux sont plongés dans la vision chamanique… J’aperçois Ishtar et sa chouette…, la chouette,  je lui balbutie :
- les animaux alliés… ce sont eux qui accompagnent… … tu es dans l’eau …. Qui va venir t’aider toi ? … Ça y est… je vois : Les Saumons …!!! Demandes aux saumons !
Même au milieu de l’océan ils retrouvent toujours leur rivière d’origine, les saumons iront chercher à ta place l’information que la personne a besoin de savoir, ils suivront le lien.
Cette phrase est trop longue à dire mais Protée m’entend la penser.
Après un silence, une réflexion perce le silence :
- … ça fait trop mal de se métamorphoser, ça épuise… soupire-t-il.
-  à qui l’dis-tu…
Laissant les saumons à l’œuvre, scintillant et frétillant, nous tombons de nouveau dans les bras de Morphée à bout de force après cet échange si rude et pourtant si court.
          Vers midi, émergeants, je lui demande encore :
- mais pourquoi on se transforme en fait, … En plus de fuir ?!!
- il n’y a pas d’autre façon de voyager …, … enfin, tu sais bien toi aussi…

Carole
ma chamane préférée en cet instant ;-)
merci, merci pour ce partage de vision

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